Les virevoltants

Du 31 octobre au 07 novembre: De Fray Bentos à Puerto Madryn (1866 km – 6886 km parcourus)

Pampa, brûlure du sel et Patagonie

 

La route passe au milieu de lagunes, bras de fleuves et enjambe le rio Parana, qui devient ensuite le Rio de La Plata sur le grand pont au niveau de Zarate qui est le port commercial proche de Buenos Aires. Ensuite, commence la pampa avec ses paysages immuables : grandes étendues plates, cultivées (blé, soja) ou à l’état sauvage de pairies parsemées de buissons. On roule jusqu’à San Antonio de Areco, à 120 km à l’est de Buenos Aires. C’est une jolie petite ville gardienne de la tradition gauchesque. On se gare derrière l’office du tourisme, en bordure d’un parc qui borde la rivière. La ville est bien agréable : des maisons basses et bien entretenues, le long des rues arborées en damier, une petite place centrale, des bâtiment historiques datant de l’implantation de la ville qui s’est développée sur cette rive de la rivière. Sur l’autre rive se trouve une ancienne estancia, aujourd’hui convertie en musée gaucho. Ici beaucoup de personnes portent les traditionnels pantalons de toile blanche, chemises et bérets gaucho, mais se déplacent… en vélo ! (et plus rarement à cheval).

Mardi 1er novembre : c’est bien un temps de Toussaint ! Il pleut des cordes, difficile d’occuper calmement les garçons…

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Après l’école et les divers dessins, je les sors (on s’enfonce les bottes dans la boue épaisse au pied du camion) pour aller visiter un petit musée « de la vie d’avant » en ville, implanté dans l’ancienne centrale électrique. Ce petit centre culturel abrite des objets apportés par les migrants. Il y a aussi une exposition sur l’histoire de la ville depuis l’arrivée des espagnols. Les garçons sont intéressés par l’ancien banc d’école, les encriers et les porte-plumes, les presses d’imprimeries, les hachoirs à viandes, et surtout un avion suspendu au plafond, construit par un habitant.

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L’après-midi, le temps se calme un peu alors on traverse le petit pont piéton anciennement emprunté par les charriots et on va visiter l’ancienne estancia et le musée consacré en partie à Ricardo Güiraldes, célèbre romancier et poète argentin qui a beaucoup écrit sur la tradition gauchesque. C’est assez désert mais bucolique. En rentrant, les garçons vont un peu jouer aux jeux en face du camping car et reviennent couverts de boue et hilares…

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Tenue de gaucho revisitée pour la météo du jour...

Tenue de gaucho revisitée pour la météo du jour…

Après une bonne nuit, il fait bien beau mais frais ce mercredi 2 novembre. On part en direction du sud. On a prévu une longue étape (574 km) mais on fera ce qu’on peut. Les paysages font succéder marais et pampa, sous un vent de côté. A midi on fait un petit détour par une petite ville qui a un grand parc sympa avec grands arbres et des jeux pour enfants (il y a même une partie des jeux aménagés pour les handicapés).

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L’après-midi, ce sont de nouveaux des marais, peu de végétation, du vent, des cigognes, des rapaces et des flamands roses. Après avoir fini de rouler face au soleil couchant au milieu d’une nuée d’insectes, on arrive au camping de la petite ville thermale de Carhué. Objectif atteint ! On se gare un peu à l’aveuglette et on ne reste pas trop dehors car c’est plein de moustiques ! Il y a au moins cinq chiens qui font partie du camping et l’un d’eux s’entiche de nous et reste toute la nuit à côté du camping car.

Jeudi 3 novembre. Aujourd’hui, on a bien mérité une journée tranquille ! On va en fin de matinée à la piscine du camping. C’est un peu particulier : d’abord, Hervé et moi devons faire prendre notre tension. Puis, on ventouse bien les lunettes des garçons après avoir écouté toutes les recommandations de la dame : l’eau de la piscine, de couleur vert absynthe et à l’aspect un peu visqueux est à 34 degrés, et dix fois plus salée que la mer ! Donc, la première recommandation est de surtout pas boire la tasse. Idem, si une goutte nous touche l’œil, ne surtout pas mettre la main mais essuyer avec une serviette. Sinon, la baignade « passive » consiste à se laisser flotter pendant maximum 30 minutes, puis se doucher à l’eau claire, se reposer et recommencer. Cette eau est riche en un tas de minéraux et a un tas de vertus. C’est assez rigolo de se laisser flotter allongé ou même assis, mais la moindre irritation sur la peau se fait ressentir…

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Et Aloïs a oublié la première recommandation au bout de 10 minutes et se met à hurler et à cracher tant qu’il peut le quart de tasse qu’il a bue (par le nez, encore plus agréable!). On le douche vite fait et lui donne un verre d’eau mais il préfère ensuite nous attendre sur le bord et nous apporter une serviette dès qu’une gouttelette nous arrive dans l’œil.

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Heureusement, la viscosité de l’eau fait qu’elle n’éclabousse pas trop, parce que c’est violent ! Cette eau si particulière vient du Lac Epecuen à côté, qui signifierait « presque brûlé » en langue indienne mapuche. D’autres avancent que le nom indique « la limite entre les bonnes et les mauvaises terres », la blancheur du sel marquant le début des « mauvaises » terres. L’après-midi, Hervé et moi allons chacun notre tour nous faire masser par une dame à la corpulence aussi imposante que sa voix est perchée, drôle de contraste. Puis nous allons tout zen nous promener et faire quelques courses dans le village.

"Maman, on fait un 'temps calme'..."

« Maman, on fait un ‘temps calme’… »

On finit par une super glace artisanale chez un glacier dont le mobilier disparate est en partie constitué d’anciens jeux pour enfants. Le village semble avoir un bon niveau de vie, avec ses petits hôtels thermaux, ses petites boutiques et ses rues droites et calmes. Le soir je retourne à la piscine avec les garçons mais Marius, qui a plein de nouvelles piqûres de moustiques, ressort aussitôt car le sel le pique trop. Du coup, Aloïs et moi flottons un bon moment en regardant le ciel flamboyant…

Vendredi 4 novembre. Ce matin, dernier salage puis dessalage en règle pour Hervé et Marius, avant de lever le camp. On veut aller voir les ruines de la ville d’Epecuen. Epecuen a été bâtie en 1921 sur la rive du lac salé du même nom. Une digue a été construite pour protéger la ville de la montée régulière des eaux. La ville se développe et prospère vite, bénéficiant du tourisme de Buenos Aires venant profiter des bienfaits des eaux hypermarines. L’importante communauté juive notamment vient en vacances au bord de cette « mini Mer Morte ». La ville de 1500 habitants compte plusieurs hôtels, des clubs (comme le « Bim Bam Bum »), etc, pour accueillir jusqu’à 25 000 touristes. Mais le 10 novembre 1985, la digue cède car l’eau est montée brusquement, et la ville est inondée en l’espace de quelques heures. La ville est désertée en quelques jours à peine et finit engloutie sous 10 m d’eau salée… Depuis quelques années, les ruines sont à nouveaux immergées. Le site est maintenant classé et peut être visité. On ne sait pas exactement ce qui a provoqué la montée des eaux subite : plusieurs hypothèses sont avancées, mais les anciens (notamment les indiens), savaient qu’il y avait toujours eu des cycles de crues et de décrues et qu’un jour où l’autre, le lac monterait. Mais la rapidité et l’ampleur du phénomène a surpris tout le monde.
On a un peu de mal à trouver le chemin car on emprunte d’abord une piste défoncée jonchée de détritus qui mène à la décharge publique (merci le GPS !). Un pick up qu’on croise nous dit qu’au bout il y a un marécage et qu’on ne pourra pas passer ! Demi-tour, on finit par trouver un autre chemin et on arrive à l’ancienne gare (certains disent que ce sont les travaux de terrassement du chemin de fer qui ont provoqué la crue. C’est en tous cas le train qui a permis l’évacuation d’une grande partie de la population). Puis on arrive à l’entrée des ruines. On s’avance dans la rue principale, qui va vers le lac. De part et d’autre, il n’y a que des décombres et des arbres morts, blanchis par le sel. Il n’y a pas un nuage, il fait très chaud, il y a aucun bruit, c’est saisissant.

Entrée de Epecuen

Entrée de Epecuen

Rue principale, qui va vers le lac

Rue principale, qui va vers le lac

La végétation repousse par endroits entre les décombres : des touches vertes et des petites fleurs jaunes. On ne peut pas aller jusqu’au bout de la rue car une partie est de nouveau inondée suite aux grosses pluies des dernières semaines. Dommage, on aurait bien aimé aller jusqu’à l’ancienne digue. Sur les décombres ont été installés des panneaux avec des photos du temps de la ville vivante, et des plaques indiquant « hotel », « confiteria », etc…

Hotel Rambla

Hotel Rambla

Stairway to...

Stairway to…

un peu de vert finit par repousser sur le sel

un peu de vert finit par repousser sur le sel

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Le soleil est implacable. On repart par un chemin qui longe le lac, bordé de grands arbres rongés par le sel. On cherche un coin pour manger mais ces squelettes d’arbres n’offrent aucune ombre. On finit par trouver un endroit à Carhué, à 12 km de là, puis on reprend la route.

chemin du retour et lac à droite

chemin du retour et lac à droite

"Balneario" actuel

« Balneario » actuel

Cette fois, on a le vent arrière, chouette ! On arrive dans une région avec des collines, bon, d’accord, des petites montagnes, c’est la Sierra de la Ventana et le Parque Tornquist. Ça change de la Pampa rase. On va jusqu’à Villa Ventana, petit village à environs 400 m d’altitude avec des rues en terre et des maisons en bois au milieu des pins et des eucalyptus. On bivouaque au calme et au frais relatif après avoir goûté les gâteaux au dulce de leche de la panaderia locale.

Samedi 5 novembre. Direction le campamento de base Sierra Ventana du Parque Tornquist, non-pas pour gravir la Sierra Ventana et son sommet qui est percé d’une « fenêtre », car la randonnée dure 5h et est réservée au plus de 12 ans, mais pour une randonnée de 2h, plus accessible. Le vent souffle pas mal mais le soleil tape fort. Après l’enregistrement en règle auprès des gardes et les recommandations « attention à la vipère yarara », on part vers le sentier qui mène aux « piletones » (des trous d’eau naturels). En fait de chemin, on doit monter tout droit dans les cailloux, au milieu d’une forêt de pins calcinés. C’est raide et pas évident, ça ne plait pas trop à Marius qui nous le fait bien savoir.

Premier versant

Premier versant

Arrivés sur la crête, il faut redescendre de l’autre côté bien à pic, puis longer une petite rivière et ses trous d’eau, dans des gorges. On s’arrête sur des rochers pour se tremper les pieds et le pic-nic. C’est très joli et minéral. Les rochers au-dessus de nous ne sont pas hyper rassurants… On va au bout du chemin et on doit faire demi-tour. Dommage que ça ne fasse pas une boucle.

2eme versant

2eme versant

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Aloïs est bien vaillant, Marius en a marre. Il faut dire que ce n’est pas facile avec leurs petites jambes car les pierres sont grosses et certaines bougent. On arrive en bas bien cuits ! Comme il est encore tôt et qu’on ne pourra pas passer la nuit à l’entrée du Parque, on décide d’avancer un peu. On va jusqu’à Bahia Blanca et on se gare dans l’immense Parque de Mayo, près de jeux pour enfants. C’est samedi soir, il fait 33 degrés et c’est bondé de familles venues faire des asados et de motos passant en pétaradant… Les voyageurs qui lisent ces lignes doivent compatir (ou bien rigoler) en pensant à la nuit en perspective !

Après une nuit bien bien pénible, ce dimanche 6 novembre, les garçons vont jouer aux jeux pendant qu’on se prépare à partir. On roule vers le sud en empruntant pour la première fois, au km 725, la RN3, route qui relie Buenos Aires à Ushuaïa. Après le repas, on prend en stop un jeune homme, Juan, qui travaille à la gomeria (l’atelier de réparation de pneus) à côté de la station service qu’on vient de quitter. Il va à Viedma à 150 km d’ici, tout droit. Il est épaté par notre camping car ! On le dépose à un rond-point à l’entrée de la ville, après avoir traversé le pont au-dessus du Rio Negro dont la frontière naturelle marque l’entrée en Patagonie ! Les abords de Viedma, comme beaucoup de villes et villages, servent accessoirement de décharge publique… On continue vers la côte, près de Balneario El Condor et ses falaises où nichent quantité de perroquets colorés. Le vent souffle et il fait froid, mais on est perchés en haut de la falaise et on a une vue imprenable ! C’est la plus grande colonie de ces perroquets qui s’étale sur 12 km de falaises. Les perroquets ont les ailes bleu-vertes, le ventre jaune avec parfois une tache rouge. Ils fusent vers le haut de la falaise, vont vers les terres et reviennent. Soirée et nuit incomparables avec la veille !

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coucher de soleil sur le premier phare d'Argentine

coucher de soleil sur le premier phare construit en Argentine

la falaise et l'immense Patagonie

la falaise et l’immense Patagonie

Lundi 7 novembre. Le matin, on veut partir tôt pour arriver à Puerto Madryn dans la journée, mais on s’attarde à parler avec un couple de retraités du Pays Basque qui nous dit que les baleines sont déjà parties de la Péninsule de Valdes… On prend la longue route toute droite qui monte et descend régulièrement. On aperçoit les premiers guanacos entre les petits buissons qui s’étendent à perte de vue. On fait le plein d’eau et de gasoil à Sierra Grande, première ville où le gasoil est au precio Patagonico, moins cher que dans le reste du pays. On arrive assez tard à Puerto Madryn, ville étalée au bord de l’océan, base arrière de la Péninsule de Valdes et grand port de pêche. On va se garer sur un parking devant le front de mer qui est bien sale. La ville n’est pas la plus sûre d’Argentine mais on est entre la préfecture navale et un poste de police, et d’autres camions de voyageurs sont là. Il y a aussi des bus déglingués avec des rideaux aux fenêtres qui sont habités par des locaux.

5 reflexions sur “Du 31 octobre au 07 novembre: De Fray Bentos à Puerto Madryn (1866 km – 6886 km parcourus)

  1. mémé

    Epecuen heureusement que le soleil et le ciel bleu étaient au rendez vous car par mauvais temps brrrr! l’ambiance!!! le coucher de soleil est magnifique.Gros bisous bisous

  2. Manue

    Étonnant cette ville de sel … ça devait être étrange de se balader dans ces rues abandonnées ! On commençait à se demander où vous en étiez … hâte de lire la péninsule de Valdes ça a du être très chouette encore 😉 des bises à vous 4

    1. Pauline

      Il a tellement été secoué par ce qu’il a avalé comme eau salée qu’il a mis longtemps avant d’accepter de boire ce verre d’eau après…

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